La filière Banane de Guadeloupe & Martinique, joyau agricole des Antilles, traverse un passage à vide inédit. Ce secteur, pourtant soutenu depuis des années par un dispositif européen nommé POSEI, fait face à un sérieux revers financier. En effet, le gouvernement français a validé la ponction de 2 millions d’euros sur cette enveloppe, amputant directement la Guadeloupe d’environ 500 000 euros annuels. Cette somme réaffectée vise à alimenter la diversification agricole, priorité désormais en Martinique. Cette décision, loin de faire l’unanimité, soulève une vague d’indignation parmi les producteurs guadeloupéens, qui dénoncent une injustice et un manque cruel de concertation. Ils pointent également l’absence d’un soutien politique fort dans une filière déjà fragilisée par la concurrence, la baisse des aides promises, et les contraintes environnementales. Si la diversification agricole est saluée pour son dynamisme en Martinique, elle se fait au détriment d’une banane antillaise qui paraît vaciller. Dans ce contexte tendu, la mobilisation des acteurs comme la Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe, l’Union des Groupements de Producteurs de Banane et la Compagnie Fruitière devient plus que jamais cruciale pour contrer cette crise existentielle.
Les enjeux économiques et financiers pesant sur la filière banane guadeloupéenne en 2025
Depuis 2007, la filière banane des Antilles bénéficie d’un soutien financier conséquent via le programme européen POSEI, avec une enveloppe annuelle globale de 129 millions d’euros. Cette aide vise à compenser les coûts de production élevés des bananes en Guadeloupe et Martinique, en particulier face à la concurrence internationale et les contraintes spécifiques du climat insulaire. Cependant, en 2024, un tournant s’est opéré. Le gouvernement français a demandé et obtenu, auprès de Bruxelles, une diminution de 2 millions d’euros de cette enveloppe, dont la Guadeloupe subit directement les conséquences avec une perte évaluée à environ 500 000 euros par an.
Cette réduction s’inscrit dans le cadre du protocole de lutte contre la vie chère. La somme ainsi amputée est redirigée vers un projet de diversification agricole en Martinique, soutenu officiellement par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) sous l’impulsion de son président Serge Letchimy. Si l’objectif de soutenir l’agriculture diversifiée peut paraître pertinent, sa mise en œuvre au détriment de la filière banane guadeloupéenne suscite de vives tensions.
Francis Lignières, figure emblématique de la Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe, exprime son agacement : « C’est la première fois en vingt ans que je vois un État ne pas respecter ses engagements. Cette décision a été prise sans concertation réelle avec la Guadeloupe, et elle pénalise durement notre filière. »
Le tableau ci-dessous illustre l’impact de cette décision sur le budget et la production bananière locale :
| Année | Enveloppe POSEI (en millions €) | Réduction Demandée (en millions €) | Perte estimée par la Guadeloupe (en €) | Conséquences principales |
|---|---|---|---|---|
| 2023 | 129 | 0 | 0 | Stagnation des aides |
| 2024 | 129 | 2 | 500 000 | Financement réduit, tensions accrues |
| 2025 | 127 | 2 | 500 000 | Difficultés renforcées, mobilisation politique |
- La ponction représente un coup dur face à la hausse continue des coûts de production et des salaires.
- La filière utilise ces fonds non seulement pour compenser ces coûts mais aussi pour investir dans la lutte phytosanitaire et l’innovation.
- La Compagnie Fruitière, un acteur clé de la banane aux Antilles, s’aligne contre cette décision qui pourrait favoriser le modèle agricole martiniquais au détriment de la Guadeloupe.
- La réduction des fonds compromet aussi des investissements prévus dans la modernisation des exploitations et la transition vers des pratiques plus durables.
On notera qu’en parallèle, la filière banane fait aussi face à l’abandon d’une aide spécifique de 13 millions d’euros qui devait initialement s’étaler sur 2025 et 2026, accentuant encore la pression financière sur les producteurs. Une situation qui rappelle l’importance cruciale des subventions POSEI pour la pérennité du secteur.
Pour en savoir plus sur les alertes récentes des producteurs, une lecture recommandée est l’article complet sur les crises existentielles de la filière banane aux Antilles.

Quelles sont les raisons derrière la montée de la diversification agricole en Martinique ?
La Martinique mène depuis plusieurs années une politique volontariste en faveur de la diversification agricole, via des mesures incitatives et un budget renforcé alloué aux petites exploitations. Cette tendance, qui s’inscrit dans une stratégie plus large d’autonomie alimentaire et de résilience face aux chocs climatiques et économiques, est surtout soutenue par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM).
Le plan stratégique adopté en mai 2024 visant l’autonomie alimentaire martiniquaise a reçu un large consensus, preuve de la volonté régionale d’aller vers des cultures variées au-delà de la banane. Ce projet cible notamment :
- Le développement de cultures maraîchères et fruitières diversifiées (mangue, ananas, fruits exotiques).
- Le soutien à l’agriculture bio et à faibles intrants pour s’adapter aux normes européennes en constante évolution.
- L’accompagnement des exploitations familiales, souvent de petite taille, vers des modèles plus durables et innovants.
- La mise en place de circuits courts pour favoriser la consommation locale et réduire les importations.
Cette diversification doit également protéger les exploitations face à la menace constante des aléas climatiques, comme l’a rappelé la tempête de 1984 ou le récent cyclone Cléo. La polyvalence des productions permettrait de limiter les risques liés à une monoculture, secteur où la banane reste historiquement très exposée aux maladies comme le fusarium ou aux fluctuations du marché mondial.
De fait, la filière banane martiniquaise a, elle aussi, dû faire face à plusieurs crises sanitaires et économiques récemment, incitant à une réorientation stratégique. Agro Martinique, un organisme clé dans le développement agricole local, pousse ces mutations en cherchant à intégrer les nouvelles technologies et la gestion durable des sols.
Dans ce contexte, la ponction sur le budget POSEI au profit des exploitations diversifiées trouve son sens, même si le sacrifice impose des tensions palpables auprès des producteurs de bananes traditionnelles.
| Objectifs agricoles de la diversification en Martinique | Actions concrètes |
|---|---|
| Autonomie alimentaire | Mise en place de cultures locales variées et circuits courts |
| Soutien aux petites exploitations | Aides financières spécifiques et formations |
| Adaptation aux normes européennes | Encouragement des pratiques bio et durables |
| Résilience face aux aléas climatiques | Promotion de la diversification pour limiter les risques |
- Le concept de diversification est aussi un levier pour attirer les jeunes agriculteurs et renouveler les générations.
- L’accompagnement des petits producteurs est coordonné par l’Organisation de Producteurs Antilles-Bananes et d’autres structures.
- La montée en puissance de la diversification s’inscrit dans une logique de marché moins volatile que celui de la banane.
Pour approfondir ce sujet, la chaîne Salon de l’Agriculture 2025 propose des tables rondes et des témoignages sur la transition agricole aux Antilles.
Impacts sociaux et environnementaux : les aspects méconnus de la baisse des financements pour la banane de Guadeloupe
La réduction des aides financières ne modifie pas uniquement les chiffres comptables. Elle impacte en profondeur les structures sociales et environnementales qui gravitaient autour de la filière banane guadeloupéenne. A commencer par les emplois. La banane reste un pilier d’emploi important dans plusieurs zones rurales insulaires.
La Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe a alerté sur le risque de pertes d’emploi parmi les travailleurs agricoles, qui sont souvent des populations vulnérables. Les emplois indirects, liés au transport, conditionnement et exportation, sont aussi menacés.
- Près de 70 % des exploitations agricoles guadeloupéennes dépendent encore, en 2025, de la banane comme culture principale.
- Les jeunes générations fuient les exploitations bananières à cause des incertitudes économiques, cherchant des alternatives dans les filières innovantes ou urbaines.
- Le tissu social local se fragilise face à la diminution des revenus et au déclin des exploitations traditionnelles.
- Les tensions croissantes entre Guadeloupe et Martinique sur les budgets POSEI génèrent des ressentiments au sein des communautés agricoles.
Sur le plan environnemental, la monoculture intensive de la banane impose un usage conséquent de traitements chimiques. La baisse des fonds limite les capacités d’investissement dans la recherche de solutions alternatives, comme les drones ou les nouvelles technologies vertes. Or, ces technologies avaient été demandées pour moderniser la filière et mieux lutter contre la baisse de rendement causée par des maladies persistantes.
Un exemple frappant est la position du président de LPG, qui réclame aux élus locaux un soutien ferme afin d’accélérer l’introduction des Nouvelles Générations de Techniques (NGT) en agriculture bananière, pour rendre la culture plus résistante et réduire l’impact environnemental.
Le tableau suivant illustre certains impacts induits par la réduction des financements :
| Domaines impactés | Conséquences attendues |
|---|---|
| Emploi agricole | Diminution des postes, précarité accrue |
| Innovation technologique | Frein à la modernisation, retard dans l’adoption des NGT |
| Environnement | Maintien d’une agriculture intensive, pollution accrue |
| Relations inter-îles | Mise en tension des coopérations et rivalités accrues |
Pour en savoir plus sur ces problématiques, consulter notamment les rapports de France Info La 1ère.
Les réactions et mobilisations des acteurs de la filière banane guadeloupéenne face à cette crise
La décision gouvernementale suscite un véritable vent de contestation au sein des organisations professionnelles de la filière banane guadeloupéenne. La Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe, l’Union des Groupements de Producteurs de Banane (UGPBAN), ainsi que La Compagnie Fruitière unissent leurs voix pour dénoncer ce « transfert » budgétaire considéré comme une injustice majeure.
Francis Lignières de LPG ne mâche pas ses mots : « Nous demandons à nos élus de ne pas accepter que la Guadeloupe finance la diversification agronomique en Martinique au détriment de notre filière. » Cette colère est traduite dans plusieurs courriers adressés aux plus hautes instances étatiques, notamment au nouveau préfet Thierry Devimeux.
- Organisation de manifestations et rassemblements dans plusieurs villes guadeloupéennes.
- Rencontre avec des parlementaires pour mobiliser un soutien politique.
- Promotion de campagnes de sensibilisation auprès du grand public et des consommateurs.
- Participation active aux débats au congrès des élus de Guadeloupe, où la filière est devenue un sujet majeur de la session 2025.
Le combat reste d’actualité car à ce jour aucune démarche formelle pour un retour en arrière dans la ponction n’a été annoncée. Ce bras de fer soulève la question d’un équilibre à trouver entre diversification et préservation des productions traditionnelles, un débat crucial que le prochain Premier ministre devra gérer.
- L’Union des Groupements de Producteurs de Banane planifie d’intensifier ses démarches auprès des Institutions européennes.
- La Fédération continue de collaborer avec Agro Martinique et Banagrumes pour un dialogue inter-îles constructif.
- Les producteurs appellent à un soutien renforcé d’Agrimer Antilles et des Fruits de la Guadeloupe pour augmenter la visibilité des bananes antillaises sur les marchés internationaux.
Retrouvez plus d’informations sur les mobilisations dans cet article de L’Union des Démocrates et Citoyens de l’Agriculture en Guadeloupe.
La coexistence délicate entre la filière banane guadeloupéenne et la diversification agricole martiniquaise
Le défi majeur pour les Antilles en 2025 est de trouver un équilibre entre un héritage agricole puissant, incarné par la Banane de Guadeloupe & Martinique, et les besoins modernes de diversification pour assurer la sécurité alimentaire et l’adaptation écologique. Pourtant, cette coexistence est marquée par des tensions palpables, notamment entre les deux îles.
Historiquement, la banane a façonné l’économie antillaise. Les Antilles Bananes, fédérations comme la Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe et l’Organisation de Producteurs Antilles-Bananes le rappellent souvent, représentent une source vitale de revenus et d’identité culturelle. En contrepoint, la diversification agricole portée par des structures locales telles que Banagrumes ou Agro Martinique tente d’ouvrir de nouveaux horizons pour garantir une résilience accrue des territoires.
Quelques points soulignent cette cohabitation difficile :
- Répartition des aides : la réaffectation des fonds POSEI entraîne une compétition financière directe.
- Controverse politique : les prises de position des élus locaux alimentent le débat, ponctué par le congrès des élus en Guadeloupe.
- Marchés concurrents : la diversification pourrait diversifier aussi la clientèle, mais parfois au détriment des ventes de bananes.
- Initiatives communes : certaines structures militent pour un partenariat équilibré, mêlant tradition et innovation.
Ce tableau recense quelques acteurs clés et leurs rôles respectifs :
| Acteurs | Rôle principal | Position sur la réallocation de fonds |
|---|---|---|
| Fédération des Producteurs de Bananes de Guadeloupe | Représentation et défense de la filière banane | Opposition ferme |
| Union des Groupements de Producteurs de Banane | Coordination des producteurs et lobbying | Opposition |
| Compagnie Fruitière | Production et exportation | Opposition |
| Banagrumes | Soutien à la diversification agricole | Appui à la réaffectation |
| Agro Martinique | Développement des exploitations diversifiées | Soutien |
Un équilibre est à trouver pour éviter une fracture durable, afin que la richesse agricole des Antilles reste un moteur de développement régional et un symbole puissant auprès des consommateurs. Pour mieux comprendre les enjeux et témoignages, consulter cet article récent sur France Antilles.

Par ailleurs, le savoir-faire et les normes européennes d’exportation ont été évoqués comme des facteurs clés permettant de préserver l’image de la Banane de Guadeloupe & Martinique sur les marchés internationaux, dans des articles spécialisés comme Le Guide Guadeloupe. De même, la saison cyclonique, bien que redoutée, pousse à l’innovation et à la résistance des filières agricoles – un défi commun à toutes les productions insulaires (plus d’infos sur la saison cyclonique 2025 en Guadeloupe).
Questions fréquentes autour de la crise de la filière banane guadeloupéenne
Quels sont les principaux facteurs qui ont conduit à cette perte financière pour la filière banane guadeloupéenne ?
Il s’agit principalement de la décision gouvernementale de réduire de 2 millions d’euros l’enveloppe POSEI, impactant directement la Guadeloupe de 500 000 euros annuels, cumulée avec l’abandon d’aides supplémentaires et la concurrence croissante d’une agriculture diversifiée en Martinique.
Comment la diversification agricole en Martinique affecte-t-elle la filière bananeraie ?
La diversification, soutenue par la CTM, reçoit des financements redirigés depuis la filière banane, ce qui augmente la compétition pour les fonds publics et peut réduire la visibilité et les ressources accordées à la banane traditionnelle.
Quels sont les impacts sociaux de la crise sur les producteurs guadeloupéens ?
Cette crise génère une perte d’emplois agricoles, accentue la précarité des travailleurs et décourage les jeunes agriculteurs à poursuivre dans la banane, ce qui fragilise le tissu social dans les zones rurales.
Existe-t-il des solutions envisagées pour relancer la filière banane ?
Les producteurs demandent un soutien politique renforcé, notamment pour accéder aux techniques innovantes comme les drones et NGT, ainsi qu’une meilleure concertation sur les aides européennes et un équilibre entre diversification et maintien des cultures historico-économiques.
La crise affecte-t-elle la réputation exportatrice de la banane antillaise ?
Oui, la baisse des fonds limite les investissements dans la conformité aux normes européennes, ce qui peut nuire à la qualité et la certification, éléments clés pour maintenir la place sur les marchés internationaux.